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26/02/2016

Convergences [3] : contre l'embrouille du néo-laïcisme

"En finir avec les simplifications" (Alain Policar) :


 

La tribune du politoogue Alain Policar (Cevipof) [1] se fonde sur « le sens véritable de la loi de 1905 » : « l'inaliénabilité de la liberté de conscience et la neutralité de l'Etat, qui implique son incompétence dans le domaine de la religion ». La neutralité religieuse « ne signifie pas, en effet, que la loi relègue la religion dans la sphère privée ».

D'où la critique de Policar à l'encontre de cette dérive récente : « une laïcité devenue religion civile, sacralisée comme toute religion et servant de surplomb à toutes les formes d'appartenance » ; dérive qui « fait glisser l'obligation de neutralité de l'Etat vers la société elle-même ». Le pouvoir prétend « exclure la religion de la vie publique », objectif déjà contraire à la loi de 1905 ; il prétend aussi – c'est visible dans l'Education nationale – « lutter contre les croyances incompatibles avec la pensée libre et la citoyenneté éclairée », c'est-à-dire avec l'idée qu'il s'en fait... Et c'est encore plus contraire à la loi de 1905.

Alain Policar ne parle pas autrement que les évêques français : parallèle involontaire de sa part, mais la réalité est la même pour tout le monde.

La dérive vise tous les signes religieux y compris chrétiens. Alain Policar s'en tient quant à lui au cas musulman du voile (le simple foulard, non la burqa wahhabite). Les néo-laïcistes, dit-il, veulent l'interdire « pour favoriser l'auto-émancipation des filles », mais « la question centrale est de savoir s'il est légitime d'assimiler toute forme de foi à une posture d'asservissement » : « de nombreux travaux sociologiques ont montré que, dans un nombre significatif de cas, les jeunes filles voilées, loin d'être nécessairement les victimes passives de leur socialisation, sont souvent les agents de leur propre vie. Est-il véritablement exclu de défendre à la fois l'éducation à l'autonomie, chère à la conception républicaine de la liberté, et le droit au port du foulard à l'école ? »

Alain Policar aurait pu ajouter que « l'éducation à l'autonomie » devrait comporter une éducation de résistance à la principale pression qui pèse sur les jeunes : le consumérisme. Aliénation aux objets addictifs, dispersion des facultés d'attention, cet obstacle (étant général) est plus gênant pour les enseignants que celui de la religion [2].

C'est la critique la plus partageable que l'on puisse opposer à l'hystérie néo-laïciste. Celle-ci ferme les yeux sur le rôle du système de société occidental, et cela doublement :

rôle moral de repoussoir, en ce sens que notre système provoque la riposte « religieuse » d'une partie des jeunes filles qui se réfugient sous la protection du voile ! N'accuser que l'islamisme et/ou la violence sexuelle des « quartiers », c'est refuser de voir un aspect de la réalité [3] : celui dont notre société est directement responsable ;

rôle mécanique de pousse-au-crime, dans la mesure où nombre de « radicalisés » (comme dit la presse [4]), et parmi eux les « convertis » de souche française autochtone, sont passés de l'indifférence religieuse au djihadisme via les vidéos ultra-violentes genre Daech : vidéos conçues selon les normes techniques d'addiction du web-entertainment occidental, puissant sur les masses...

Oublier ce double rôle de notre système économique, serait fermer les yeux sur sa nocivité et se fourvoyer dans l'une des deux diversions : s'en prendre à la foi des gens, comme font les néo-laïcistes ; ou s'en prendre à leurs origines, comme fait l'extrême droite.

 

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[1] Libération/Idées, 25/02.

[2] c'est-à-dire de l'islam. L'élève musulman ne craint pas de contredire l'enseignant ; c'est rarement le cas de l'élève chrétien ou juif.

[3] Violence sexuelle dont une partie des causes n'est pas (non plus) sans lien avec l'érotomanie obsessionnelle de la société consumériste... Tout est lié, dirait le pape.

[4] « Radicalisés » : terme très discutable. Pour que l'on puisse dire « radicalisés » sans ajouter d'adjectif explicatif, il faudrait que tout le monde en France soit déjà musulman. Les journalistes et les politiques savent qu'il n'en est rien. Le terme « radicalisés » dans leur bouche n'a donc aucun sens, si ce n'est d'esquiver le mot « islamiste »... Il aurait un sens si les journalistes et les politiques admettaient que notre système sociétal joue lui aussi un rôle dans la dérive ultra-violente ; mais ce n'est pas le cas.

 

Commentaires

ILS EN ONT BESOIN

> "Aliénation aux objets addictifs, dispersion des facultés d'attention, cet obstacle (étant général) est plus gênant pour les enseignants que celui de la religion"
Oh oui ! Je viens de faire étudier à mes Secondes la 'Pensée' de Pascal sur les deux infinis, et j'ai tâché de les faire réfléchir à ce que signifie la "contemplation" à laquelle le philosophe appelle finalement son lecteur. S'arrêter en silence... Puis j'enchaîne avec le "Mémorial" et le "Mystère de Jésus" : là, ils rament très fort (c'est ultra "chelou"), d'une part pour comprendre Gethsémani en Matthieu 26, et de l'autre pour percevoir l'empathie de Pascal au cours de sa lectio divina. Mais parler religion (et argumentation religieuse) est fondamental : ils en ont besoin ; la rupture culturelle est bien sûr consommée, et rarissimes sont ceux qui ont de très vagues bribes de connaissances sur le christianisme, ou sur l'histoire de Jésus (de brefs cours d'Histoire en 6ème et en Seconde)... Le laïcisme est intériorisé, déjà.
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Écrit par : Alex / | 26/02/2016

PRÉCISION

> Juste une petite précision sur laquelle jouent peut-être ceux qui nous gouvernent et qui ont peur de l'Islam.
La loi de 1905 sépare l’Église et l'état, comme l'Islam n'est pas une Eglise,il n'y a pas de raison légale de s'en séparer.
Comme l'Islam et l'état se confondent il n'y a pas de raison de s'en faire...Tout va bien.

Vincent


[ PP à Vincent - Et c'est là que ça coince : les "gouvernants" politico-médiatiques n'ont pas le mental qui leur permettrait de comprendre la complexité de la situation. ]

réponse

Écrit par : Vincent / | 27/02/2016

à Alex:

> je me demande si ce n'est pas plutôt une culture athée que laïciste. Quand j'enseigne le christianisme à mes élèves, certains ont des questions intéressantes mais la plupart rangent la question religieuse dans le tiroir des mythes et sont bien pris dans une propagande anti-religieuse et pas seulement laïciste.

à Nicolas:

> dans mon souvenir (mes cours de fac sont loin...), il y a un verset qui demande une tenue correcte et c'est un hadith qui rappelle que Mahomet à indiqué, à une femme qui lui posait la question, de se couvrir les cheveux et la nuque, les bras et la poitrine. Et il l'aurait fait en montrant les parties du corps. Le reste n'est que culture misogyne et délire puritain.
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Écrit par : VF / | 28/02/2016

Les commentaires sont fermés.